Un atelier de “validation du rapport des missions d'évaluation des conditions carcérales au Tchad” a été ouvert ce mardi 16 septembre 2025 à l’hôtel de l’Amitié de N’Djamena. Il réunit pour une durée de trois jours, des acteurs clés engagés dans le domaine des droits humains et de la gouvernance pénitentiaire.
Organisé par la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH) en collaboration avec l’ECES (European Centre for Electoral Support) dans le cadre du projet PAPPE (Projet d’Appui au Parlement et aux Processus Electoraux), cet événement vise prioritairement à évaluer et consolider le rapport global des missions d’évaluation sur les conditions de détention au Tchad, dans le but de dresser un panorama exhaustif et précis de la situation carcérale du pays.
Cette démarche vient en réponse à la nécessité d’une analyse rigoureuse des conditions de vie au sein des établissements pénitentiaires, qui souffrent notamment de problèmes tels que la surpopulation, la vétusté des infrastructures, et l’insuffisance de formation du personnel pénitentiaire. Ces difficultés compromettent considérablement le respect des normes internationales en matière de droits humains.
L’atelier constitue ainsi une étape essentielle pour réaliser un état des lieux approfondi du cadre légal et institutionnel régissant la protection des droits des personnes privées de liberté, tout en identifiant de manière systématique les obstacles à son application, qu’ils soient d’ordre structurel, administratif ou opérationnel.
En favorisant un dialogue constructif entre les différents intervenants de la chaîne pénale que sont les autorités judiciaires, les représentants des organisations de défense des droits de l’homme, le personnel pénitentiaire et les partenaires internationaux, l’atelier a pour ambition d’établir des bonnes pratiques conformes aux engagements internationaux tels que les Règles Nelson Mandela, qui servent de référentiel en matière de traitement des détenus.
Les participants auront à cœur de proposer des solutions concrètes et durables, qu’il s’agisse d’améliorer les infrastructures, d’adopter des programmes de formation continue pour le personnel, ou de développer des initiatives innovantes comme la réinsertion sociale des détenus, notamment via des formations professionnelles adaptées. Ce qui contribuera grandement à réduire les récidives et à favoriser la réintégration harmonieuse des anciens détenus dans la société.
A la faveur dela cérémonie d’ouverture, quatre allocutions majeures ont rappelé l’importance et la portée de cet atelier.
La Représentante pays de l’ECES et Coordinatrice du projet PAPPE au Tchad Madjiguene Thiam, a souligné l’engagement de l’Union Européenne, principal bailleur du projet, à soutenir la promotion des droits de l’Homme au Tchad, mettant en avant l’appui technique apporté à la CNDH depuis deux ans dans une démarche de coopération multi-acteurs pour obtenir de résultats durables.
La Représentante de l’ambassadeur de l’Union Européenne au Tchad, a insisté sur le soutien financier de 8 millions d’euros destiné à renforcer la démocratie et la transparence. Pour elle, la protection des droits humains constitue une condition sine qua non au développement et à la prospérité. Elle n’a pas manqué de saluer les efforts des autorités tchadiennes en faveur de l’État de droit tout en promettant la poursuite de l’appui soutenu de l’Union Européenne dans ce domaine.
Le ministre de la Justice, garde des sceaux et chargé des droits humains, le Docteur Youssouf Tom, a mis en avant la nécessité d’une évaluation rigoureuse et transparente des conditions carcérales. Il a rappelé que la protection constitutionnelle doit s’appliquer à tous les citoyens, y compris aux personnes détenues, sans distinction.
Conscient des faiblesses persistantes, il a annoncé la création d’une commission chargée d’identifier les difficultés et de proposer des solutions adaptées, insistant sur l’importance d’un soutien renforcé tant sur le plan technique que financier, ainsi que la formation continue du personnel pénitentiaire et des magistrats. Ces éléments, soutient-il, sont indispensables pour transformer les établissements en véritables lieux de réinsertion sociale.
Pour sa part, le président de la CNDH, Belngar Larmé Jacques a, dans son discours d’ouverture, rappelé les missions fondamentales de son institution, soulignant que la situation des détenus constitue un enjeu sociétal majeur, étant donné les nombreuses violations des droits fondamentaux qu’ils subissent souvent dans les prisons tchadiennes. Citant l’article 5 de la Loi N°28, il a réaffirmé la compétence de la CNDH à visiter les lieux de détention et à contrôler le respect des droits, tout en mettant en lumière les difficultés liées à la non-application effective des garanties prévues par les textes nationaux et internationaux ratifiés par le Tchad, notamment en raison de l’insuffisance des services sociaux de base, de l’accès limité à la justice à cause de la rareté des magistrats et des lenteurs procédurales.
Ainsi, cet atelier s’inscrit comme un jalon décisif dans la dynamique de réforme du système carcéral au Tchad, mettant en exergue à la fois les avancées institutionnelles et les nombreux défis à relever, parmi lesquels figurent en bonne place la surpopulation carcérale et les conditions de vie souvent inhumaines. Il offre un cadre privilégié pour un dialogue ouvert et participatif entre les divers acteurs, avec pour ambition ultime la transformation des prisons en milieux conformes aux standards internationaux des droits humains, où la réinsertion effective des détenus est une priorité.
Les résultats attendus de cet atelier incluent une meilleure connaissance des réalités carcérales, la formulation de stratégies adaptées et l’élaboration de recommandations concrètes à destination des autorités tchadiennes et des partenaires internationaux pour renforcer le cadre légal et institutionnel de protection des détenus. Cette démarche inclusive, soutenue par des partenaires engagés tels que l’Union Européenne, l’ECES et le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH), témoigne de la volonté des autorités du Tchad de promouvoir un État de droit effectif où les droits fondamentaux sont respectés pour tous, y compris les personnes privées de liberté, enjeu majeur pour la stabilité démocratique et le progrès social du pays.