Après trois jours d’intenses échanges et de concertation, les travaux conjoints de la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH) et de l’European Centre for Electoral Support (ECES) ont abouti à la validation des rapports d’évaluation portant sur les conditions de détention au Tchad.
Cet atelier, qui a rassemblé divers acteurs issus d’administrations publiques, des associations des droits de l’homme (Adh) ainsi que du Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme (HCDH), a permis d’établir un diagnostic précis des réalités carcérales nationales, caractérisées notamment par la surpopulation, l’insuffisance et l’obsolescence des infrastructures, ainsi que par un déficit de formation du personnel pénitentiaire.
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Au terme de ces trois jours de travail constructif, les participants ont formulé 17 recommandations prioritaires adressées principalement à l’État tchadien, représenté par le ministère de la Justice et des Droits de l’Homme, à la CNDH et aux partenaires techniques et financiers impliqués dans la protection des droits humains.
Parmi ces recommandations, figure en priorité la nécessité pour le ministère de développer une base de données nationale solide et de restaurer la fonctionnalité du logiciel Biosys afin d’améliorer la gestion administrative des établissements pénitentiaires. Il a également été préconisé de renforcer la collaboration avec la CNDH en lui garantissant un accès efficace aux données administrées par la direction générale des affaires judiciaires et pénitentiaires, ce qui faciliterait un meilleur suivi des conditions de détention. Sur le plan infrastructurel, l’atelier a recommandé la construction urgente de maisons d’arrêt, camps pénaux et centres de rééducation des mineurs conformes aux normes internationales, répondant ainsi aux exigences posées par les standards universels tels que les Règles Nelson Mandela.
Par ailleurs, le renforcement des effectifs des surveillants pénitentiaires a été souligné, afin d’améliorer la gestion et la sécurité des établissements. En ce qui concerne la CNDH, les recommandations l’invitent à assurer la mise en œuvre effective des programmes développés par les différents partenaires, à soumettre des propositions urgentes aux autorités nationales pour l’amélioration des conditions de détention et à créer un dispositif de suivi rigoureux des dossiers des détenus en collaboration avec la direction générale des affaires judiciaires et pénitentiaires. Les partenaires techniques et financiers, qui ont réaffirmé leur engagement lors de l’atelier, sont appelés à poursuivre leur soutien technique et financier indispensable, notamment dans le cadre du programme de réinsertion sociale des détenus, favorisant ainsi une approche respectueuse des droits humains. Ils sont également encouragés à œuvrer au renforcement des capacités des agents de l’administration pénitentiaire en matière de protection internationale des droits de l’homme, ainsi qu’à soutenir les initiatives de formation et de sensibilisation des magistrats concernant l’application des peines alternatives à la détention, contribuant ainsi à une justice pénale plus humaine et efficace. Ce partenariat et ces recommandations représentent une avancée significative vers la transformation des établissements pénitentiaires tchadiens en espaces conformes aux normes internationales, combinant respect des droits fondamentaux et réinsertion durable, dans un contexte où l’amélioration du système carcéral apparaît comme une condition sine qua non pour garantir la dignité des personnes détenues et renforcer l’État de droit au Tchad.
RECOMMANDATIONS
A l’issue des débats en session plenière et en groupes de travail, l’atelier de validation des Rapports des missions d’évaluation des conditions carcérales au Tchad formule les 17 recommandations prioriataires ci-après:
A l’attention du ministère de la justice et des droits humains
1. Développer une base de données sur le plan national et restaurer l’opérationnalité du logiciel BIOSY relatif à l’informatisation des données sur la population carcérale;
2. Renforcer la collaboration avec la CNDH et lui assurer l’accès à cette base de données administrées par la DGAJP;
3. Renforcer la construction des maisons d’arrêt, créer des camps pénaux, des centres de rééducation pour les mineurs en respectant les standards internationaux (règles Mandela, règles de Bangkok, règles Beijing, etc.);
4. Renforcer les effectifs des surveillants pénitentiaires en nombre suffisant pour répondre aux questions de la sécurité dans les maisons d’arrêt;
5. Rendre effectives les dispositions de la convention entre le ministère de la justice et le ministère de la santé concernant la gestion de la santé carcérale (création et gestion des infirmeries, dotation en équipements et en médicaments);
6. Elaborer le budget en tenant compte des besoins réels des charges liées au fonctionnement et l’alimentation des établissements pénitentiaires et rendre le budget opérationnel en temps réel;
7. Assurer la séparation effective des différentes catégories des détenus, notamment en transférant les femmes et les mineurs condamnés dans des établissements qui répondent aux normes internationales;
8. Créer un cadre de concertation entre les divers ministères (justice, éducation nationale, affaires sociales, femme et petite enfance, santé publique, eau, agriculture, sécurité, etc.) impliqués dans la gestion du secteur pénitentiaire sous la direction de la CNDH, dans le cadre d’une convention interministérielle;
9. Se conformer aux dispositions légales et organiser les audiences spéciales pour vider les dossiers qui ont duré au-delà de la période légale de la détention préventive et rendre effective la Loi 21 PR 2019 portant l’aide juridique et assistance juridiciaire;
10. Ratifier le Protocole facultatif à la Convention des Nations-Unies contre la torture signé par le Tchad en vue d’ériger la CNDH en un Mécanisme National de Prévention (MNP);
11. Procéder à la nomination des juges d’application des peines et titulariser tous les fonctionnaires de l’administration pénitentiaire et de la réinsertion sociale en situation de stage prolongé.
A la CNDH:
12. Ssurer la mise en œuvre des programmes par les différents partenaires impliqués;
13. Soumettre des propositions urgentes aux autorités compétentes pour améliorer les conditions de détention;
14. Assurer le suivi des dossiers des détenus en collaboration avec la DGAJP.
Aux partenaires:
15. Continuer d’appuyer techniquement et financièrement la CNDH et le gouvernement dans la protection des droits de l’Homme en général et sur le programme de réinsertion en particulier;
16. Renforcer les capacités des agents de l’administration pénitentiaire et de la réinsertion sociale sur la protection internationale des droits de l’Homme;
17. Appuyer les initiatives de formation, de sensibilisation à l’endroit des magistrats sur l’application des peines alternatives à la détention.